Smartphones, applications et vie numérique : la mosaïque digitale
Georges Séror est responsable de l’axe communication digitale à l’IIM Léonard de Vinci. Tandis que le digital s’infiltre dans tous les gestes du quotidien, il s’agit de s’interroger sur le rapport qu’entretient un individu avec son moi numérique et avec son smartphone.
A chaque clic l’individu navigue à la découverte de nouvelles sensations et d’aventures dans l’océan virtuel d’Internet. Pas un jour, une heure, un instant sans que son mobile ne le frôle, lui parle, le guide, l’aide, l’accompagne. Bref lui souffle les solutions à tous ses problèmes rencontrés. L’individu pilote sa vie grâce aux pictos d’application qui le font rêver, espérer, imaginer. Une véritable mosaïque de formes colorées pour sa plus grande distraction. Mais à y regarder de plus près le mobile n’est-il pas devenu le pilote de l’individu au quotidien ?
Il est simple aujourd’hui de surfer pour obtenir des infos, des idées, des produits, des offres, des renseignements grâce aux icônes digitales, que l’on caresse du bout des doigts.
Petits dessins en couleur, pensés pour servir chacun avec application. De sorte que l’individu puisse se sentir guidé par son mobile, figé dans sa mobilité, incapable de se mouvoir par lui-même, contraint de s’appliquer au digital du bout des doigts. Les alertes infos lui procurent le sentiment d’être important et surtout lui laissent à penser que son action sur le monde est nécessaire, essentielle, indispensable.
Sur Internet et dans les méandres de la communication virtuelle, l’individu se sent libre. Un sms pour décommander, un message pour expliquer, une photo pour séduire… tout le conduit à une maîtrise fictive de sa vie volatile. Ainsi, l’individu peut se laisser guider et croire au management de sa propre vie grâce au digital.
En un mot l’individu mobile ne peut rien sans son smartphone. Peu à peu, l’outil de poche qui doit rendre bien des services, conditionne les pensées de chacun. L’individu consommateur de pictos et d’applications avant même de se procurer des offres de service, se laisse porter par le flux de données qui lui procure le sentiment d’exister.
Si bien que l’individu devenu digital est porté par les informations, les données, les images, les tweets, les textos. Il finit par être convaincu que les données volatiles sont vitales. Sans données, la vie est triste. Sans Big Data… pas d’achat, pas de résultat !
Alors, le flux submerge l’individu et alors le paralyse dans son désir d’action. Il surfe, il clique, il touche et caresse son écran ses doigts glissent sur la mosaïque de couleur.
« Si je trouve une promo pour aller plus loin… je pars. » – « 51% des interrogés pensent à ceci, ou cela donc… moi aussi ». « La voix me dit de prendre à droite… j’y vais. » Les infos extérieures conduisent l’individu dans le courant d’une mosaïque composée, véritable miroir déformant aux alouettes des data… à portée de main. Certes, la mobilité et l’accès au monde instantané rendent bien des services, les informations en continu sont nécessaires, les données pratiques d’aide à la décision peuvent être utiles… mais elles ne remplaceront pas le discernement et la capacité de choix de l’individu grâce à son entendement, son pouvoir de raisonnement.
Bref… la mosaïque digitale est la représentation d’une nécessité de discernement. Choisir l’icône, la géo localisation, la voix, l’image, la vidéo, c’est être capable, d’exister. Mais souvent, dans le dédale des choix, l’individu a tendance à y perdre la tête.
Fourrer son doigt dans les icônes ne doit pas le conduire à se fourrer le doigt dans l’œil du cyclone des flux numériques. Les alertes infos, les données, les push… peuvent conduire chacun à la passivité. Par exemple, lorsque les étudiants cherchent un stage, les alertes sont la porte ouverte à la rencontre d’un interlocuteur et à la concrétisation d’une collaboration à partir d’une opportunité liées au flux sur Internet. Mais vivre la rencontre ne peut se faire que sur écran… face à cette arrivée de données, il reste néanmoins indispensable de penser, comparer, rencontrer, communiquer pour aller de l’avant dans un monde qui laisse croire à chacun que le « tout, tout de suite » permet « tout facilement ». Il reste indispensable de se rencontrer, de se confronter, de partager…
La mosaïque digitale doit être avant tout appréhendée, décortiquée, comprise, par l’individu et ainsi, le rendre plus libre… de ses choix.